De l’argile flamande au zen japonais

07 mai, 2014

« One Team, One philosophy, One target » : c’est la devise de Bart De Pooter. Elle claque comme un mot d’ordre de gourou mais ceux qui connaissent ce « briquetier » façonné à la terre flamande, savent qu’il n’en est rien. Bart De Pooter n’est pas du genre à renverser les tables mais un artisan parfaitement conscient que la réalisation d’un objectif passe par des hauts et des bas, pour autant que le concept soit bien dessiné, articulé dans une structure toute simple.  Si de nombreux chefs de sa génération cherchent leur salut dans les médias, Bart De Pooter adopte une démarche marketing empreinte de sobriété flamande et non de théories fumeuses. Cette approche est inédite dans le paysage gastronomique belge.  

Le droit de commettre des erreurs

« En Belgique, les chefs n’osent pas se présenter à travers un modèle de marketing », souligne Bart De Pooter. « Nous partons en revanche des gens et du produit. Quelles sont les attentes ? Quelle image voulons-nous projeter ? Et par quels modèles de développement, aboutissons-nous à une création ? Mon approche n’est pas toujours appréciée. Je l’assume. Je suis ma propre voie ! » 

Bart De Pooter est moins un cuisinier qu’un chef d’entreprise engagé socialement, un écologiste pur jus, un producteur sobre et méthodique, un homme qui jure par la recherche et le développement mais qui cultive en même temps une véritable passion pour l’art. Son secret ? Se remettre sans cesse en question. L’œuvre de Jan Fabre qui accueille les clients à De Pastorale l’exprime à sa manière : le droit de commettre des erreurs et vaincre ses doutes.

Stars for stars

Véritable OVNI dans le paysage culinaire belge : sa création WY dans The Mercedes House au Sablon à Bruxelles. Non seulement Bart De Pooter est le premier chef belge à obtenir des étoiles pour deux restaurants mais WY est également le premier « show-room » dans le monde à se voir décerner une étoile Michelin.

Mais comment un chef coq aux racines campagnardes fait-il son nid dans un complexe luxueux de la capitale ?

« Beaucoup ont oublié que j’ai débuté à Bruxelles. Après avoir appris le métier dans une commune bruxelloise, chez le chef trois étoiles Pierre Romeyer, j’ai poursuivi dans le restaurant culte Trente rue de la Paille, ici tout près du Sablon. Si mes racines sont à la campagne, j’ai un faible pour la ville. Bruxelles me plaît parce que c’est la ville la plus cosmopolite en Belgique, tout en abritant de nombreux espaces verts et de places qui sont autant de quartiers au charme villageois. En réalité, il me plaît de relever ce défi : transposer la philosophie développée à De Pastorale dans un environnement citadin cosmopolite, en mouvement permanent, où les enseignes lumineuses, les graffitis et les affiches créent une ambiance urbaine non exempte de voyeurisme : vu et être vu. J’essaie d’intégrer tous ces éléments dans le concept WY.

Vous aviez déjà été associé à des projets dans la capitale, entre autres The Cube et Tram Experience. Des expériences qui vous ont mis l’eau à la bouche ?

« L’attrait citadin a certainement joué. Mais cela va au-delà : The Cube et Tram Experience m’ont permis également de découvrir le monde d’Electrolux. Lorsque j’ai appris à connaître le « brand shop » de The Mercedes House, les pièces du puzzle se sont mises en place. Je trouvais que la brasserie existante ne cadrait pas avec l’image et la philosophie de Mercedes. Avec Electrolux, nous avons donc imaginé un concept d’expériences gastronomiques qui s’est avéré gagnant pour toutes les parties. » 

Vous attachez beaucoup d’importance à la technologie de la cuisine.

« Oui, bien sûr. L’équipement est d’une importance cruciale, parce que la qualité des aliments et des préparations en dépend. J’apprécie beaucoup la qualité innovante des appareils  Electrolux. Nous disposons d’un combisteamer Touchline avec écran tactile et d’un réfrigérateur AEG-Electrolux de la série ecostore. Le fleuron de la cuisine est le bloc cuisine central Thermaline qui brille par sa finition suisse inégalée. Via de grands écrans plats, les visiteurs peuvent suivre ce qui se passe en cuisine et même regarder dans les casseroles. C’est un lieu de rencontre comme tout restaurant devrait l’être. Dans mon esprit, la gastronomie n’est ni plus ni moins qu’un moyen de réunir les gens et de les faire converser. »

Le concept WY est aussi exceptionnel dans le fait que vous avez choisi une gamme non professionnelle d’appareils de cuisine.

« C’est un choix délibéré. Au WY, nous ne voulions pas copier le concept de De Pastorale. Nous entendions cependant traduire les mêmes idées de base – respect du produit, des saisons et de l’écologie – dans une version light. Nous avons donc opté pour des appareils dits « non professionnels » mais qui ont rapidement prouvé qu’ils pouvaient également produire une cuisine de haute qualité. En toute sincérité, cette étoile est vraiment tombée du ciel après huit mois d’activité à peine. Même si Stars for Stars a été dès le départ notre slogan, qui était plus un clin d’œil à l’étoile de Mercedes. La collaboration est vitale pour un projet tel que celui-ci. Avec Mercedes et AEG-Electrolux, nous avons développé un excellent partenariat qui offre beaucoup plus de possibilités pour l’avenir. » 

L’équipe est également primordiale dans votre concept.

« Je travaille avec les mêmes personnes depuis de nombreuses années. Ce qui crée des relations de confiance mais également de la responsabilité. Lorsque la crise a frappé en 2008, le monde de la gastronomie n’a pas été épargné. Cela a d’ailleurs contribué à ma décision de diversifier nos activités. Je pouvais ainsi garder mon personnel, réparti sur deux entités professionnelles, avec de jeunes recrues en complément. À la fin de ma formation, Pierre Romeyer m’a donné un conseil en or : « Un restaurant est comme une voiture avec quatre roues : tu dois pouvoir cuisiner, tu dois pouvoir compter, tu dois avoir un peu de chance et tu dois pouvoir bien t’entourer. Si un seul pneu subit une crevaison, tu ne peux plus avancer ! ». C’est très vrai. Vous travaillez aux côtés de personnes qui s’investissent pour vous mais qui ont aussi leur vie et leur famille. Le chef que je suis doit veiller à résoudre les problèmes de manière proactive. »

Le côté business du métier semble particulièrement vous plaire.

Bart dirige quotidiennement 2 équipes de cuisine. « Outre les deux restaurants, nous avons développé une troisième activité : Clarabella. Clara et Bella sont les deux noms les plus courants des vaches laitières qui sont abattues lorsqu’elles ne produisent plus assez de lait. Il est apparu que bon nombre de ces vaches fournissaient une excellente viande marbrée. Nous valorisons donc ces vaches et proposons leur viande sur le marché sous le nom de Clarabella. La variété de vache laitière est l’Holstein. En l’espace d’un an, nous fournissons déjà tous les magasins Colruyt en Belgique, nous abattons environ 1 200 vaches par jour. Seules 8 % d’entre elles sont sélectionnées et « mûries » 50 jours, nous exportons dans six pays. L’aspect écologique est présent également : donner une plus-value à un produit résiduel. Nous avons d’ailleurs breveté le mode de production qui met l’accent sur les bienfaits pour la santé : nous utilisons moins de sel et aucun additif. Mais nous élaborons aussi des préparations à la bière. Les vaches laitières sont en effet davantage contrôlées que les autres bêtes pour la qualité de leur lait et fournissent dès lors une viande plus saine. »

Que nous réserve encore le touche-à-tout Bart De Pooter ?

« Nous lançons un magazine où nous présentons nos activités de l’année. Le premier numéro est prêt. Son titre : Interview. Dans lequel « Inter » se réfère à international et « View » à notre vision sur les habitudes alimentaires. Nous concevons également une ligne de céramique, basée sur l’histoire ancienne de l’argile de ma région natale. Et maintenant que Bruxelles est notre deuxième patrie, nous nous préparons à faire le grand saut à l’étranger. J’ai déjà commencé à suivre des leçons de japonais. Le zen japonais m’attire beaucoup. Je suis de plus en plus convaincu que, dans un restaurant, nous nourrissons moins le corps que l’esprit. »

 

Henk Van Nieuwenhove

www.depastorale.be

www.wybrussels.be

www.clarabella.be

Texte: Henk Van Nieuwenhove
Photos: Jan Agten

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