Pierre Romeyer : la perfection par le talent et le travail

04 septembre, 2018

Pierre Romeyer : la perfection par le talent et le travail

Quelques mois après son grand ami Paul Bocuse, quelques semaines avant Joël Robuchon, Pierre Romeyer a rejoint les cuisines célestes. Ceci à la grande tristesse des gastronomes mais pour le plus grand bonheur gustatif des anges, qui disposent maintenant d’une brigade plus digne que jamais des étoiles glanées sur terre par celle-ci.

Si certains hommes probes et libres atteignent la perfection par le talent, d’autres font la conquête de celle-ci par l’ardeur du travail. Accumulant la force et la sagesse pour arriver à la beauté des choses, Pierre Romeyer faisait assurément partie de ces êtres d’exception qui sont arrivés au sommet de leur art en combinant les deux.

Rentré à 14 ans en cuisine comme certains rentrent en religion, l’homme restera assurément ce que l’on peut appeler « une légende vivante de la gastronomie ». A l’instar de ce que Paul Bocuse a fait en France, ce chef, qui fut un des premiers en Belgique à s’investir dans sa propre affaire, a su redonner ses lettres de noblesse à un métier qui était trop souvent assimilé à celui de simple domestique. 

En effet, en sortant véritablement le cuisinier de sa cave, Pierre Romeyer a réussi à faire en sorte que la cuisine soit ce qu’elle est aujourd’hui en Belgique, à savoir un artisanat passé au stade d’art véritable. Une compétence qui a largement contribué à positionner notre pays de manière plus que visible sur la vaste carte du monde de la gourmandise.

Cuisinier du comte Moens de Fernig alors que ce dernier était commissaire général de l’Exposition universelle de Bruxelles en 1958, Pierre Romeyer a débuté sa carrière en cuisinant pour tout ce que la planète comptait comme têtes couronnées et célébrités de l’époque. Fort de cette prodigieuse expérience, il fut ensuite le créateur du Val Vert à Groenendael, puis de l’immortelle « Maison de Bouche » à Hoeilaart. C’est là qu’arrivé au sommet de son art, ce chef, devenu incontournable, reçut enfin les célèbres « trois étoiles » d’un guide pneumatique bien connu en 1983, une distinction suprême qu’il conservera jusqu’à sa cessation d’activité en 1994. Mais cet infatigable professionnel de talent ne s’était pas limité à ces chantiers personnels.

Parmi les premiers vulgarisateurs talentueux de l’art culinaire en Belgique à avoir compris l’importance de médias comme la télévision, le tonitruant bonhomme a inspiré des générations de cuisiniers amateurs en mettant en pratique l’adage qui veut que le savoir-faire doive se doubler d’un bon faire-savoir. Jamais avare de bons mots, ce véritable amoureux des saveurs n’avait pas son pareil pour faire saliver ses contemporains à travers une approche aussi amusante qu’efficace de l’art culinaire.

Infatigable défenseur de son métier et des produits de qualité, Pierre Romeyer s’est entre autres illustré par la création de l’Association des Maîtres Cuisiniers de Belgique ainsi que d’Euro-Toques, la première étape vers une véritable communauté européenne de la gourmandise. Un vaste projet dont il avait accepté d’assumer un temps la présidence belge.

Aussi rabelaisien que philosophe, à la fois frappé du meilleur bon sens que de l’humanisme le plus généreux, ce formidable bonhomme a accumulé les distinctions les plus prestigieuses, jusqu’au titre de baron qui lui fut décerné en 2002, une première absolue dans l’histoire de la cuisine. Une noblesse sur papier qui ne fit que confirmer celle du cœur d’un homme qui gardera toujours sa place dans l’Histoire savoureuse de notre pays... Philippe Bidaine

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